jeudi 3 avril 2014

Après le génocide, les Rwandaises reconstruisent leur pays

C'est souvent après la guerre que le statut des femmes est enclin à changer puisque, les hommes étant en première ligne, ce sont aux femmes de prendre en charge les tâches que les hommes tenaient, mais c'est aussi aux femmes de reconstruire le pays que les hommes ont laissé à feu et à sang. C'est dans ces conditions que les Rwandaises, connues de part le monde pour avoir subi les ravages de l'une des armes de guerre les plus destrucrices: le viol, accèdent aujourd'hui à une nouvelle reconnaissance sociale. Si elles ne sont pas à proprement parler des guerrières, bien qu'elles aient survécu à l'un des conflits les plus violents envers la population civile de ces dernières décénies, on ne peut dénier le courage et la force  de ces femmes qui reprennent en main leur pays après le génocide de 1994 qui aura couté la vie à plus de 800000 personnes, majoritairement de l'ethnie des Tutsis. 

La nécessité fait loi


Après la guerre civile, la population du Rwanda devint essentiellement féminine ; les Rwandaises la composaient à 70%. C'est donc naturellement qu'elles reprirent les fonctions laissées vides des hommes disparus. Après la déstruction quasi-totale du pays et de toutes ses institutions, les nouveaux conseils locaux et les organes de justices "de débrouille" ont du très vite s'organiser et ce avec les moyens du bord, et petit à petit, avec l'aide d'organisations internationales, ces structures fragiles ont pu lentement se transformer en institutions étatiques et former un nouveau gouvernement. Cette situation a permis à de nombreuses femmes de faire leur chemin et de s'installer durablement à tous les niveaux de la politique du pays. Néanmoins, ce n'est pas uniquement la nécessité (à comprendre ici "parce qu'on avait pas trouvé mieux") qui fait que les femmes ont gagné en importance dans la société rwandaise mais c'est surtout le courage et la détermination qui ont poussé ces femmes vers l'avant, ce qui n'est pas chose aisé lorsqu'on a vu tout son monde s'écrouler autour de soi et avec lui sa famille et sa communauté. Si le Rwanda est aujourd'hui le pays dont le parlement est le plus féminisé au monde avec 64% de femmes, c'est avant tout parce que ces dernières ont une volonté d'acier et l'espoir de voir leur pays retrouver la paix. 


...mais la volonté est le plus puissant de tous les leviers

140402-eugenie-mukeshimana-embed
Eugenie Mukeshimana, maintenant à la tête du
Genocide Survivors Supporter Network,
chargé d'aider les survivants de génocides
Eugenie Mikeshimana est un exemple d'ascention des femmes rwandaises après la guerre civile. Mikeshimana , persécutée pour être née Tutsi, a frôlé de près la mort à 22 ans. Un jour après avoir accouché  seule et en clandestinité, son mari ayant été assassiné durant le conflit, elle est capturée par une milice qui s'apprête à lui ôter la vie. Par chance, un conflit entre les guerriers retarde l'exécution et finalement les membres du Front Patriotique Rwandais, arrivent juste à temps et libèrent Mikeshimana ainsi que les autres prisonniers. Pourtant, après la guerre, Mikeshimana ne perd pas totalement espoir, bien qu'elle ait cottoyé l'"abominable jusqu'à ce qu'il devienne la normalité" selon ses mots, elle décide de travailler en tant que dirigeante d'une entreprise de construction. Le Rwanda repose sur une société très machiste, et le monde de la construction est bien sûr traditionnellement réservé aux hommes, mais les femmes se présentent aux entretiens et obtiennent des emplois même dans les  secteurs masculinisés (et au Rwanda, presque tous les secteurs économiques étaient masculins puisque la femme restait très souvent confinée au foyer et ne prenait pas part à la vie publique). Avec le temps, les hommes se laissent convaincre par la rigeur de travail dont femmes sont capables et ceux aussi bien qu'eux, et parfois même encore mieux car, bien qu'elles soient majoritairement sans éducation et sans expérience professionnelle, elles apprennent et s'adaptent très vite à la situation et utilisent également leurs nombreuses capacités (trop souvent dévaluées) de femmes au foyer. Mais surtout, elles ont gardé la rage de vivre à un moment où leur compatriotes masculins s'étaient laissés moralement détruire. Selon Mikeshimana, "[elles] ne parlent pas beaucoup, mais elles font ce qu'il y a à faire".

La paix, une affaire de femmes?


Mais ce qui est encore plus étonnant, c'est que ces femmes ont montré leur désir de paix et de réconciliation de façon exemplaire :  puisqu'elles étaient organisées dans les groupes politiques et d'action pour la reconstruction du Rwanda dans le même but, les femmes Hutus et les femmes Tutsis se sont cottoyées et ont su travailler ensemble. C'est un effort incroyable qui permit à ces femmes dont les maris, frères, pères et fils se sont entre-tués de travailler main dans la main pour un futur meilleur. Peut être que c'est parce que, dans le chaos, une société peut très vite sombrer dans la violence et la destruction, mais parfois elle arrive aussi à se dépasser et à s'épanouir à l'endroit où l'on s'y attend le moins.


Source: http://www.thedailybeast.com/articles/2014/04/02/two-decades-after-genocide-rwanda-s-women-have-made-the-nation-thrive.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire