samedi 19 avril 2014

(vidéo) Les femmes guerrières de Mamadou Ndala - République Démocratique du Congo

En République Démocratique du Congo, les conflits de ces 20 dernières années ont fait plus de 6 millions de victimes. Le gouvernement souffre d'instabilité et l'armée régulière peine à maintenir l'ordre car elle doit se battre contre les milices soutenues par l'Ouganda et le Rwanda (qui sont intéressées par les ressources naturelles du pays) mais elle doit en même temps réguler la violence de la population qui s'est également organisée en groupes armés (parfois pour se protéger mais également pour piller les paysans).  Ce reportage de la chaîne télévisée ARTE nous emmène à la rencontre des femmes combattant dans l'armée régulière ou les milices.



Les Maï-Maï, population armée aux mille visages

Le terme Maï-Maï qualifie l'ensemble des nombreuses milices congolaises. A l'origine, elles s'étaient formées afin de se battre contre les pillards car l'armée congolaise peinait à défendre son peuple. Néanmoins, c'est un nom que de nombreuses milices au but beaucoup moins noble s'attribuent également. Ces dernières pillent au même titre que les autres et il est souvent difficile de différencier les groupes de défense populaire des groupes opportunistes qui volent et violentent la population puisqu'elles utilisent le même nom pour se définir.
Salomé fait partie d'une des milices Maï-Maï. "Je suis venue ici parce que nous avons beaucoup souffert dans notre village", dit elle. "Une milice rwandaise venait piller nos biens et violer les femmes. J'ai alors décidé d'aller les combattre. Si j'ai la chance de revenir je demanderai pardon à Dieu, je redeviendrai chrétienne." Salomé et son groupe taxent les paysans des zones qu'ils occupent. Ils monnayent la protection qu'ils disent apporter à la population.

Les femmes de l'armée régulière sont aussi en première ligne

L'armée régulière se bat contre les milices soutenues par l'Ouganda et le Rwanda mais également contre les milices Maï-Maï. De nombreuses femmes s'engagent dans l'armée congolaise par patriotisme. L'une d'elles explique sa décision de joindre l'armée dans le reportage: "Moi c'est mon choix. Je suis volontaire depuis 1994. J'ai fait des études, j'ai eu mon diplôme, j'ai été commerciale. Puis, j'ai abandonné la vie civile et j'ai décidé de devenir martyr pour mon pays." Ces femmes sont membres du Commando d'Action Rapide (URR) et se retrouvent la plupart du temps en première ligne. "Nous, on est des gens de Dieu. Il faut avoir le coeur dur pour faire ce métier et si tu vois que l'un de ton groupe est mort, tu ne craques pas, tu continues le combat. Moi, je suis une femme. J'ai un corps de femme quoi qu'il arrive. J'ai des seins, j'ai un vagin. Mais quand il s'agit de combattre pour défendre mon pays, je ne suis plus une femme, je suis un homme".

Les milices rejoignent l'armée régulière

Le gouvernement a appelé les milices populaires à déposer les armes. Plus de 2000 miliciens ont décidé de rejoindre l'armée régulière plutôt que de revenir à l'armée civile. Parmi eux, des femmes qui rejoignent alors le "Personnel Militaire Féminin". Gentille, une nouvelle recrue, raconte comment elle a quitté les Maï-Maï: "Mon coeur m'a poussée à rejoindre ceux qui se battent pour le pays.La paix doit revenir au pays mais cette paix je l'ai jamais connue. [...] On était plusieurs femmes, certaines sont mortes. La peur non je n'en avais pas. Si j'avais eu un travail correct avec du respect mutuel j'y serais encore, mais ce qui m'a fait partir c'est de devoir piller les gens et les tuer. Je n'ai aucun bon souvenir, il n'y a aucun travail que j'ai fait chez les Maï-Maï qui m'ait rendue fière. Tu dois obéir aveuglément à quiconque  te dépasse en grade. C'est à toi de toujours savoir où tu vas et d'où tu viens. Fort je demande pardon à ceux à qui j'ai fait du mal.". Une autre ex-milicienne explique que son groupe comportait des voleurs, des assassins et des violeurs qui terrorisaient la population et qui ont par ce fait décrédibilisé les Maï-Maï. 
Ces femmes ont toutes le même parcours, elles ont rejoint tout d'abord les milices afin de se défendre contre les exactions d'autres groupes armés. Elles ne peuvent pas retourner à la vie civile car les ex-miliciens ne sont pas vus d'un bon oeil par le reste de la population. Beaucoup de ces femmes ont des enfants qui accompagnent leur mère dans les camps et sont envoyés chez de la famille pendant les combats. L'une d'elle raconte : "La grande difficulté que rencontrent les femmes c'est que les hommes les abandonnent avec les enfants. Les femmes doivent se débrouiller pour nourrir leurs enfants alors que l'homme, lui, se tourne les pouces." Certaines ont donc rejoint les milices dans l'espoir de trouver de l'aide. Si le patriotisme de ces femmes est apparent, c'est surtout la nécessité de la situation qui les a amenées là.

La mort du Colonel Mamadou Ndala

Le Colonel Mamadou Ndala était un symbole national de la République Démocratique du Congo. Grâce à ses exploits militaires, il a réussi à redresser l'armée régulière qui s'était embourbée dans le conflit depuis deux décennies. Sa mort a provoqué l'émotion des soldat et celle de la communauté congolaise, notamment à l'étranger. L'équipe d'ARTE était présente lors de l'attentat qui prit la vie à Mamadou Ndala le 2 janvier 2014. La garde rapprochée du colonel Ndala comprenait deux femmes. Mado est morte aux cotés du colonel et Séraphine a survécu en sautant de la jeep. Blessée, cette dernière insistait encore qu'on lui donne son arme afin de repartir directement au front juste après l'attentat.
"Quand je serai guérie je rejoindrai de nouveau mon unité, je ne reculerai jamais. Je ne peux pas accepter que nous souffrions et que des étrangers viennent nous faire souffrir chez nous. Je ne me fatiguerai jamais de faire la guerre. J'aime la guerre et à chaque occasion je vais au front. Il suffit que je sois en tenue, que je prenne mon arme en main. Si j'entends que quelque part ça ne va pas je suis la première à y aller. J'ai décidé d'entrer dans l'armée et je sais que je porte mon cercueil sur mon dos à chaque instant."

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